Les Comores, un archipel de l’océan Indien, affichent le nombre de cas de lèpre par habitant le plus élevé au monde. Les enfants sont loin d’être épargnés : 1 Comorien sur 3 souffrants de la lèpre a moins de 14 ans. La maladie sévit particulièrement sur l’île d’Anjouan. Conjointement avec le Programme national de lutte contre la lèpre des Comores, l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers et la Sasakawa Health Foundation, Action Damien poursuit sa stratégie d’élimination de la lèpre.
Des incapacités à vie causés par la lèpre
La lèpre est une maladie infectieuse qui touche surtout les personnes les plus vulnérables. Dans un premier temps, elle provoque des symptômes vagues, comme des taches dépigmentées sur la peau ou de la fièvre. Mais quand elle n’est pas traitée à temps, elle endommage les nerfs périphériques, ce qui entraîne une perte de sensibilité, des plaies ouvertes et des invalidités permanentes. « Notre objectif aux Comores est de poser rapidement un diagnostic afin de traiter efficacement la maladie. Cela nous permet d’éviter que les personnes affectées développent des incapacités à vie liés à la lèpre », explique le docteur Younoussa Assoumani, responsable d’Action Damien aux Comores.
Dépistages à domicile aux Comores
Les équipes d’Action Damien se rendent dans les différents villages pour sensibiliser les habitants à l’existence de la maladie, à ses symptômes et au traitement lié., Ils font du porte-à-porte pour proposer un examen de la peau à tous les habitants. Toute personne chez qui la lèpre a été diagnostiquée est immédiatement mise sous traitement antibiotique pour une période de 6 à 12 mois.
Grâce au soutien financier et technique de la Sasakawa Health Foundation, Action Damien a pu renforcer son programme de santé à Anjouan depuis mars 2024. La formation de personnel soignant supplémentaire permet d’atteindre encore plus de villages sur l’île, afin de sensibiliser la population et de réaliser des dépistages. Il s’agit de collaborateurs locaux qui sont proches de la population et parlent sa langue.
En plus de médicaments gratuits, les familles touchées par la lèpre reçoivent aussi des colis alimentaires. L’objectif est double : une alimentation saine aide le patient à guérir plus vite, et renforce aussi le système immunitaire des membres de la famille, qui ont ainsi moins de risques d’être touchés à leur tour par la maladie.
Étude sur les médicaments préventifs contre la lèpre aux Comores
Toutes les données relatives à la santé sont anonymisées et enregistrées dans des applications. Cette approche permet d’identifier les zones à risque. Dans les villages où la lèpre est particulièrement répandue, Action Damien mène depuis quelques années une étude pionnière sur les traitements préventifs contre la maladie.
« En collaboration avec l’Institut de Médecine tropicale d’Anvers, nous réalisons actuellement une étude de terrain afin de prévenir la maladie. Nous administrons des médicaments préventifs pour éviter que les proches des personnes affectées soient touchées à leur tour. Dès qu’un membre d’une famille – un seul – a est atteint par la lèpre, nous devons éviter à tout prix que ses proches, encore asymptomatiques, développent la maladie. C’est la stratégie que nous mettons en œuvre pour protéger la population de l’archipel », déclare encore le docteur Younoussa.
Dans le cadre de l’étude BE-PEOPLE, les groupes à risque, comme les membres de la famille proche ou les voisins, se voient proposer une combinaison de rifampicine et de bedaquiline. Ces médicaments doivent prévenir le développement de la lèpre. Au total, quelque 124 000 habitants seront approchés dans ce contexte. Compte tenu de la longue période d’incubation de la maladie, les résultats définitifs seront connus en 2026. « Si les résultats de l’étude s’avèrent concluants, cela pourrait marquer un grand pas dans l’élimination de la lèpre, non seulement aux Comores mais aussi dans le monde entier », conclut le docteur Nimer Ortuño-Gutiérrez, expert médical chez Action Damien.
Regardez aussi l’interview du docteur Younoussa :
Explication des termes médicaux
PEOPLE: Post ExpOsure Prophylaxis for LEprosy
PEP: Post-Exposure Prophylaxis – traitement préventif qui est administré à une personne ayant été potentiellement exposée à un agent pathogène, afin d’éviter que l’infection ne se déclare et ne se propage.
Rifampicine: médicament préventif contre la lèpre, administré aux personnes présentant un haut risque de contamination.
Bédaquiline: médicament utilisé dans le traitement de la tuberculose multirésistante. Les bacilles responsables de la lèpre et de la tuberculose étant très similaires, la bédaquiline peut également être utilisée avec succès pour combattre la lèpre.
Publié le 29 mai 2024